Allons à l’essentiel : l’abstention reste le « premier parti » en France (48% soit 23 992 509 personnes) et dans l’Union européenne (49% en moyenne avec un pic à 79% en Croatie, incluant des pays où le vote est obligatoire, Belgique et Luxembourg, et des pays qui organisaient le même jour des élections locales, Bulgarie, Roumanie). Au final, les « équilibres » habituels au sein du nouveau Parlement européen ne sont pas bouleversés par une percée certaine des partis d’extrême-droite : PPE et social-démocratie maintiennent leur position comme groupes majoritaires en nombre de sièges.
Et, comme si les sondages et les précédentes élections n’avaient pas déjà montré les signes des avancées du RN, tous les partis européistes et les gros médias ont fait mine de découvrir la poudre, ont gémi et ont déclenché le niveau ++ de la peur et de l’incompréhension.
Regardons les faits et cherchons donc les causes plutôt que de jouer le cirque de l’indignation feinte !
En France, au soir du 9 juin 2024, les bruyants soupirs de soulagement du « parti européiste » concernant la très légère baisse de l’abstention, ne peuvent masquer le fait que ces « élections » européennes restent peu légitimes, d’abord sur le plan quantitatif. Certes, l’abstention a un peu reculé en 2024 (-1,37%). Mais la progression de la participation reste cependant très faible si on la compare au matraquage de la propagande quasi unanime de la classe politique et médiatique en faveur du vote.
De plus, si l’on ajoute les blancs et les nuls, les votes valablement exprimés ne dépassent les 50 % que de 0,05 % !
En outre, plus de 6 millions de personnes sont mal inscrites et certaines ont délibérément déchiré leur carte d’électeur à la suite de l’adoption du Traite de Lisbonne, en 2008, qui bafoue le résultat du référendum sur le TCE en 2005.
Ces pourcentages sont fondés sur le nombre des inscrits. Les chiffres bruts parlent d’eux-mêmes (chiffres du ministère de l’Intérieur) :
Inscrits | 49 462 981 | (2 117 653 de plus qu’en 2019) |
Abstentions | 23 992 509 | 48,51 % |
Votants | 25 470 472 | 51,49 % |
Blancs | 346 240 | 1,36 % |
Nuls | 370 459 | 1,45 % |
Exprimés | 24 753 773 | 50,05 % |
Une fois soulagés, les européistes sont passés à la vitesse de la lumière à la répartition du gâteau (empoisonné) entre les 7 listes qui ont obtenu des sièges (aucune des 31 restantes, totalisant ensemble 2 991 091 voix, n’a atteint 5% et n’a donc pas obtenu d’eurodéputé).
Qui sont les abstentionnistes ?
Considérer que l’abstention traduit une dépolitisation de notre société, pour l’essentiel, est une affirmation fausse, elle n’a jamais été démontrée. Au contraire, les discussions avec les abstentionnistes, comme les nombreuses études qui existent depuis maintenant plus de 20 ans, montrent que l’abstention, dans la plupart des cas, est un comportement politique.
En France, seuls 7 % des abstentionnistes mettent en avant le fait qu’ils ne votent de toute façon jamais (source : Ifop-Fiducial 2024).
L’abstention est forte chez les jeunes mais existe aussi parmi les plus âgés :
60 % des 18-24 ans, 66 % des 25-34 ans, 55 % des 35-49 ans, 49 % des 50-59 ans, 39 % des 60-69 ans, 29 % des plus de 70 ans.
Ce sont les ouvriers et employés, premières victimes des politiques de l’UE, qui s’abstiennent le plus : 58 % des employés, 56 % des ouvriers.
54 % des professions intermédiaires s’abstiennent,
26 % des CSP+ s’abstiennent.
L’enquête Ipsos Comprendre le vote des Français 9 juin 2024, publie les motivations des abstentionnistes :
La conviction que ces élections « ne changeront rien »
« Parce que vous pensez que ces élections ne changeront rien à votre vie quotidienne » : 42%
« Parce que vous pensez que les députés européens n’ont pas beaucoup de capacités d’action pour améliorer la situation en Europe » : 24%.
« Pour manifester votre mécontentement à l’égard de l’Union européenne » : 17%
Mécontentement contre Macron, le gouvernement et le système politique français
Selon Ifop-Fiducial, le mécontentement à l’égard des partis politiques s’élève à 38 %.
Mécontentement contre le système de l’Union européenne
Selon Ifop-Fiducial, il s’élève à 30 %.
Il est clair que l’abstention massive des Français n’est ni l’expression d’un désintérêt, d’une paresse, ou d’une indifférence mais la volonté de s’opposer par un refus de vote qui porte un rejet des politiques et du système dominant. Faute de pouvoir s’incarner dans une force politique, l’abstention est la seule façon de se rendre visible et indique également un refus de donner sa voix au Rassemblement national.
Mais nul ne sait comment cette moitié de la France réagira prochainement, dans et hors les urnes (notamment aux législatives des 30 juin et 7 juillet).
La présentation des résultats par les grands médias relève de la manipulation
La manipulation consiste à effacer la moitié des électeurs. Le silence, le mépris, le rabaissement des citoyens qui s’abstiennent rappelle le mépris qu’avaient subi les Gilets jaunes. On retrouve ici les « invisibles », si présents pourtant et à l’activité si vitale pendant la crise du COVID, et aussitôt oubliés une fois la crise passée. Lorsque la moitié de la population refuse de participer à une élection, c’est le témoignage de graves dysfonctionnements des institutions. Le problème ne se trouve pas chez les abstentionnistes, il est dans les partis politiques, les grands médias, l’ensemble du système institutionnel. Refuser de comprendre les raisons de l’abstention de masse est le témoignage d’une volonté des classes dominantes de passer en force pour bloquer volontairement les processus démocratiques. La suite logique, déjà en marche, est le renforcement de l’autoritarisme et de la brutalité d’Etat.
Le deuxième aspect de cette manipulation est l’usage systématique de résultats électoraux présentés uniquement sur les votes exprimés.
Prenons l’exemple des résultats du RN et de la liste macroniste. Le RN a obtenu 31,37 % des votants (environ 7 765 000 voix). Mais cela ne fait que 15,70 % des inscrits ! Même chose pour la liste macroniste qui obtient 14,60 % des votants, soit 7,31 % des inscrits. En ne citant que les résultats sur les votants, une image déformée des rapports de force est donnée aux citoyens. Le RN et la macronie sont crédités de scores qui ne représentent pas la réalité. Car ce qui compte, c’est le poids des forces politiques dans la société.
Motivations du vote pour le Rassemblement national
Les citoyens qui votent pour le Rassemblement national sont-ils tous d’extrême droite ? Selon les éléments recueillis dans les enquêtes, évidemment non !
L’étude Harris Interactive du 9 juin 2024 apporte des éléments intéressants. Le vote d’adhésion pour la liste Bardella s’élève à 48 % de son électorat, soit moins de la moitié. Par adhésion, il s’agit de voter pour « les idées et propositions qui vous ont convaincu ».
Pour 27 % de l’électorat de Bardella, il s’agit d’un vote « utile ». C’est-à-dire « voter pour que la liste réalise le meilleur score possible sans pour autant être convaincu par ses idées ou ses propositions ».
Pour 16 %, c’est un vote de « protestation » « pour exprimer son mécontentement sur la manière dont vont les choses en France et en Europe ».
Dans l’étude publiée le 9 juin 2024 « Comprendre le vote des Français », les motivations en faveur du vote pour le RN ont été étudiées. A la question « Lors des élections européennes vous voterez pour manifester l’opposition au président de la République et au gouvernement » le RN arrive en tête de toutes les listes avec 68 %. LFI est à 53 %, le PCF à 34 %, le PS à 22 %.
Ce qui montre clairement que ce sont des raisons nationales qui dictent le vote des Français aux Européennes.
Le RN est apparu comme le principal parti d’opposition à Macron. Il est d’autant plus facile pour les citoyens de tirer cette conclusion puisque tous les grands partis présentant des listes aux « élections » européennes ont été aux affaires ces dernières décennies : tous les partis de droite et de gauche, y compris les écologistes.
Ce qu’ils ont en commun est bien plus fort et dangereux que ce qui les sépare : ils sont tous partisans de la soumission à l’Union européenne, l’euro et l’OTAN, favorables à l’armement de l’Ukraine, à la périlleuse escalade de guerre comme à la fédéralisation de l’Union européenne. Aucun ne défend, de fait, la paix, la souveraineté nationale et populaire.
Le Rassemblement national est à mettre dans le même panier, lui qui n’a aucune intention de rompre avec le système supranational ni avec le néolibéralisme et qui porte de surcroît son viscéral attachement au droit du sang et une xénophobie relevant d’une vision ethnique de la nation.
Combattre le RN sur le plan politique nourri par la décrépitude de la « gauche » et
tracer le chemin de l’émancipation pour construire l’avenir
Nous saluons tous les abstentionnistes qui ont résisté au vote en faveur du RN : contrairement à ce que qu’affirment les médias et les partis de droite et ceux dits de gauche, le RN est freiné par l’abstention. Bardella lui-même, le 1er mai dernier à Perpignan, désignait l’abstention comme un dangereux ennemi et incitait les travailleurs en colère à voter.
C’est pourquoi nous appelons aussi ceux et celles qui ont voté pour lui sans être convaincus par ses idées, à regarder de près la nature du RN et à prendre le chemin d’un engagement collectif pour s’émanciper de la tutelle de l’UE, de l’euro, de l’OTAN et du néolibéralisme, la forme mondialisée du capitalisme le plus féroce et le plus destructeur des intérêts du peuple, en particulier des classes populaires.
Nous appelons les électeurs de « gauche » à avoir le courage de ne plus céder au piège européiste dans lequel les ont enfermés les directions des partis dits de gauche, incapables de concevoir une société émancipée de toute tutelle supranationale.
Pour la Paix, le progrès social, la souveraineté nationale et populaire, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et la coopération entre les peuples !
Texte signé par le Pardem, la Dynamique populaire constituante, le PRCF, la JRCF, RPS-FIERS
Prochainement une vidéo sur les élections législatives.